Apprendre à obtenir une vision globale est l’un des nombreux bienfaits que la pratique du Karaté-Do peut apporter à votre vie de tous les jours. Chercher à être performant, ou, pour reprendre un terme souvent utilisé dans les précédents articles, chercher à être «efficace» dans les exercices que vous aurez à pratiquer au Dojo ou en stage, doit vous mener à affiner vos sens, à sensibiliser votre perception de toute chose. Lors des premiers entraînements, quasiment tout pratiquant passe par une phase de frustration, due aux désillusions concernant l’apparente (mais trompeuse) facilité de certains mouvements. Les jongleurs professionnels ne semblent pas éprouver de grandes difficultés à exécuter leur numéro. Regarder évoluer des formules 1 sur un circuit ne paraît pas si périlleux. Voir un pilote d’avion de ligne appuyer sur quelques boutons et pousser quelques leviers ne laisse pas soupçonner la complexité de l’ensemble de sa tâche. Afin de ne pas rester coincé dans cette phase peu motivante, je vous propose d’essayer de développer une méthode (parmi une multitude d’autres) qui devrait vous aider à progresser, sur le tatami comme en dehors. Vision globale, … kékeussé ? – Cela consiste à essayer de prendre du recul (physiquement, psychiquement ou symboliquement). Commencer à observer de l’extérieur pour, ensuite, diriger le regard vers l’intérieur. De l’ensemble vers le détail. Du plus simple au plus complexe. Concrètement, lorsque vous observez un exercice que vous aurez ensuite à reproduire, ne cherchez pas à retenir trop de détails du premier coup d’oeil. Tâchez au contraire de pointer deux ou trois éléments essentiels : – Quelle est la direction du déplacement (gauche ou droite, avant ou arrière, diagonale) – Quel est la face de travail (intérieur : Omote, ou extérieur : Ura) – Quelle est la garde de travail (gauche ou droite) «Direction, face, garde. Trois trucs à retenir. Fastoche !» vous dites-vous. Mais dans un exercice à deux partenaires, il faudra retenir les conditions pour l’attaquant (Tori) et le défenseur (Uke). Donc, non plus trois, mais six critères. Analysez dans un premier temps la situation de votre point de vue (au sens propre). Placez-vous à bonne distance (ndlr. : savoir trouver «la bonne distance» vous sera utile pour observer autant que pour pratiquer, et également d’une manière plus large dans votre vie sociale), afin de voir si possible sans être gêné. Changez votre angle d’observation si nécessaire. Ensuite essayez de visualiser l’exercice de l’intérieur, faites quelques ébauches de mouvements en même temps que la personne qui vous les montre. Tournez-vous dans la même direction si ça peux vous aider. Lorsque vous faites par exemple une technique de coup de poing en avançant, l’analyse extérieure sera du genre : «position basse, garde à gauche, avancer d’un pas, coup de poing droit». La sensation intérieure pourra se traduire par : «souple dans les jambes, côté gauche marqué, avancer en cherchant à obtenir une poussée musculaire depuis le talon gauche jusqu’au poing droit». Cette «vision globale» doit vous accompagner tout au long de votre progression, c’est un outil évolutif, pas seulement une étape à franchir. Lorsque vous focalisez sur votre poing pour obtenir un coup puissant et précis, vous en oubliez que ces deux facteurs sont avant tout dépendants de la stabilité des appuis, donc des jambes et des pieds. Vous cherchez à améliorer votre coup de poing en agissant au niveau du poing, alors que le problème se situe au niveau du pied. Sans vision globale, pas de réponse à cette énigme. Tout cela ne vous fait-il pas penser à la 3ème règle de Tomiyama Sensei ? Testez donc vos capacités de vision globale avec ce petit jeu : imprimez l’image ci-dessous et reliez les 9 points par 4 lignes droites sans lever votre crayon. Ensuite effacez tout et essayez autre chose. Tracez trois carré, de manière à ce que chaque point se retrouve seul et dans une zone fermée.
N’oubliez pas non plus que votre perception de l’environnement se fait au travers de vos cinq sens. Par conséquent, observer un exercice (uniquement avec la vue, donc) ne vous apporte qu’une partie des informations nécessaires à sa réalisation. Les conseils qui vous sont en principe fournis en accompagnement ne sont pas à négliger. Mais tant que vous n’aurez pas essayé vous-même, vous n’aurez toujours qu’une perception partielle du travail à acomplir. Pour conclure, je vous livre une citation que je viens de recevoir de mon ami Jean-Marc Ortega, et qui ne pouvait pas mieux tomber : «Qui s’assied au fond d’un puits pour contempler le ciel le trouvera petit.» Han Yu Alain
Comments are closed