Dans les arts martiaux comme dans de nombreux domaines, la manière de faire les choses importe plus de que le résultat obtenu. En résumé, «bien faire» vaut mieux que «faire», bon ça parait d’une évidence affligeante. Exprimé différemment, on pourrait dire que «comment» faire est plus important que «faire». Illustrons le principe par un petit exercice. Prenez une feuille de papier et un crayon, dessinez un grand cercle. (…) Vous venez de le «faire». Mais l’avez-vous «bien» fait ? Observez votre cercle, étudiez ses qualités et ses défauts. Quand vous savez où votre main à tracer un trait approximatif et où, au contraire, la courbe semble parfaite, prenez une nouvelle feuille et recommencez l’exercice, mais en vous appliquant comme si ce nouveau cercle devait permettre au monde de devenir meilleur. (…) Vous venez de concentrer beaucoup de vos capacités au service du «comment», alors que la première fois vous avez simplement laissé vos facultés habituelles s’occuper de «faire». Le deuxième cercle est-il plus régulier que le premier ? – Probablement, mais pas obligatoirement. Ce qui est certain, par contre, c’est que votre corps, l’ensemble de la coordination cerveau-muscles, a bien plus appris lors de ce deuxième essai. Vous êtes donc devenu meilleur, simplement en vous appliquant davantage que ce que la simplicité de l’exercice vous semblait nécessiter de prime abord. Si le premier cercle semble le mieux réussi, c’est dû à des conditions hasardeuses, qui ont peu de chance de se reproduire, et sur lesquelles votre volonté n’as que peu ou pas d’influence. «Faire» un cercle ne vous a rien enseigné, mais la «manière» d’en faire un autre à permis d’augmenter la sensibilité de votre geste. Même si le deuxième cercle n’est pas encore aux frontières de la perfection, et même s’il est moins réussi que le premier, c’est lui qui vous permettra d’en dessiner d’autres avec un peu plus d’assurance. C’est l’action que vous avez effectuée avec votre pleine conscience qui vous construit et qui vous grandit, non celle que vous avez réalisée négligemment dans la hâte. Certes, parfois le résultat compte plus que la manière d’y parvenir. En fait, bien trop souvent dans notre société avide de profits. Raison pour laquelle, une fois de plus, les arts martiaux permettent aux pratiquants de se rééquilibrer et de retrouver des valeurs épanouissantes pour eux-mêmes et pour leur partenaires. Lorsqu’un Budoka réussi son exercice, si c’est un coup de chance, la joie est de courte durée, car dès qu’il voudra le refaire, il en sera partiellement ou complètement incapable. Si, au contraire, il parvient à analyser le développement de sa technique ou de son mouvement, afin d’en comprendre les subtilités et d’en ressentir les effets, il sera alors non seulement capable de réutiliser ses perceptions comme base des mouvements suivants, afin de s’améliorer lui-même, mais également de transmettre celles-ci à ses partenaires. Ce fait particulier permet de montrer à quel point il est primordial de ne pas considérer les chose «simples» comme étant sans intérêts et «faciles» à faire. En effet les techniques complexes, souvent plus attrayantes pour les pratiquants impatients, ne sont qu’une imbrication de mouvements simples. Mais un ensemble constitué d’un grand nombre d’éléments vides forme toujours un ensemble vide. Ce n’est pas la grandeur du volume qui en fait son intérêt, mais son niveau de complexité. C’est à dire la mise en commun de multiples fragments élémentaires, ayant pourtant chacun leur complexité propre et permettant d’innombrables études spécifiques et approfondies. En étant pleinement impliqué dans chacun de ses actes, aussi simple soit-il, chaque Budoka développe donc en parallèle ses propres compétences et celles des autres pratiquants. Vous voyez donc bien, qu’un «simple» cercle tracé sur une feuille peut contribuer à rendre le monde meilleur. Alain
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